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Parasite
Volume 19, Number 4, November 2012
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Page(s) | 297 - 308 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/parasite/2012194297 | |
Published online | 15 November 2012 |
Review
Le genre Tunga Jarocki, 1838 (Siphonaptera : Tungidae). I – Taxonomie, phylogénie, écologie, rôle pathogène
The genus Tunga Jarocki, 1838 (Siphonaptera: Tungidae). I – Taxonomy, phylogeny, ecology and pathogenicity
1
Laboratoire de Parasitologie et Zoologie appliquée, Faculté de Médecine et Institut de Parasitologie de l’Ouest, 2, avenue du Professeur Léon Bernard, 35043 Rennes Cedex, France
2
Laboratoire de Parasitologie, Mycologie et Immunologie Parasitaire, CHRU, 2, rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex, France
3
Facultad de Ciencias Veterinarias, Universidad de Concepción, casilla 537, Chillán, Chili
* Correspondance: Jean-Claude Beaucournu. E-mail : jc.beaucournu@gmail.com
Reçu :
7
Juin
2012
Accepté :
14
Août
2012
Pour la première fois, les 12 espèces actuellement décrites dans le genre Tunga sont étudiées sur le plan de la taxonomie et de la répartition. Divers aspects de leur biologie et leur rôle pathogène sont également envisagés, et en particulier leur phylogénie, leur chorologie, leur phénologie, leur sexe-ratio et leurs dermecos.
Abstract
This is the first review of the taxonomy and geographical range of the 12 known species of the genus Tunga. Their biology and pathogenic roles are considered, with particular emphasis on their phylogeny, chorology, phenology, sex-ratio, and dermecos.
Mots clés : Tunga / Siphonaptera / taxonomie / écologie / phylogénie / rôle pathogène
Key words: Tunga / Siphonaptera / taxonomy / ecology / phylogeny / pathogenicity
© PRINCEPS Editions, Paris, 2012, transferred to Société Française de Parasitologie
This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License (http://creativecommons.org/licenses/by/2.0), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Introduction
“Chique, s. f., ciron qui entre dans la chair, et y cause des démangeaisons insupportables ; tabac à mâcher.”
“Ciron, s. m., très petit insecte.”
(Sauger-Préneuf et Détournel, Vocabulaire français, 1839)
Linné dans le Systema naturae de 1758 nomme deux espèces de puces. La première est Pulex irritans, l’un de nos “Compagnons de toujours” selon l’expression de Doby, 1996, la seconde est Pulex penetrans, la chique, cette puce originale qui s’enfouit dans son hôte au lieu de se promener à la surface de son corps, ou dans son lit ! Toutefois, des différences morphologiques et biologiques manifestes amenèrent Jarocki, en 1838, à en faire le type d’un genre nouveau, Tunga. En utilisant ce nom, Jarocki ne faisait d’ailleurs que s’inspirer des données recueillies par Linné : “marcgr & piso, bras., Tunga”, ce que l’on peut approximativement traduire par : “la puce dont Marcgraf (1648) et Pison (1658) disent, qu’au Brésil, le nom est Tunga”.
Ce fut Enderlein qui décrivit, en, 1901, la deuxième espèce du genre, T. caecata, ainsi nommée car cette espèce possède un oeil petit et sans pigment, à l’inverse de ce que l’on observe chez T. penetrans. Depuis, dix autres taxons ont été découverts (un 13ème est en cours de description), l’immense majorité en région néotropicale, mais une le fut dans le sud de la région néarctique et deux en région paléarctique orientale.
Quel que soit le rang taxonomique que l’on accorde au genre Tunga, sous-Famille, Famille, super-Famille (Lewis, 1998, 2009) ou “groupe-frère” des Siphonaptères (Whiting et al., 2008), cela ne clarifie guère sa position. De même, que l’on place, ou non, à son côté Hectopsylla Frauenfeld, 1860, voire même Neotunga Smit, 1962c et/ou Phacopsylla Beaucournu & Horak, 1994 (Lewis, opp. cit.) ne facilite en rien, à notre avis, l’approche de ce genre. À l’exception de Neotunga Smit (1962), puce afrotropicale chez qui, malheureusement, seule la femelle est connue, la biologie de ce genre est absolument unique chez les puces puisque la femelle s’introduit totalement dans le derme ou l’épiderme de son hôte, y est fécondée, transforme son abdomen en “usine à oeufs”, ou néosome, et passera sa vie à pondre. Il nous semble indiscutable que ces faits surprenants, impliquant chez Tunga des adaptations non seulement de la morphologie des mâles comme des femelles, mais aussi de leur éthologie et de leur écologie, méritent de s’y attarder, et ceci nous amènera dans une autre note à discuter de la place des “chiques” dans la systématique des Siphonaptères.
Le spectre parasitaire du genre Tunga est également curieux avec une majorité vivant aux dépens des rongeurs (sept espèces), les autres se tournant soit vers les Xénarthres, mammifères primitifs (trois espèces), soit vers l’homme et divers animaux de taille moyenne ou grande, essentiellement des animaux synanthropes (deux espèces). Il faut souligner que, quel que soit l’hôte, grand mammifère ou petit rongeur, la taille de l’espèce-parasite est identique, de l’ordre de 0,9 à 1 mm, quel que soit le sexe, en dehors des femelles enkystées ou néosomiques, bien sûr.
L’exégèse des anciennes publications nous montre toutefois que, en plus de T. penetrans sur laquelle existe une littérature pléthorique (voir en particulier Guyon, 1870), quatre autres puces de ce genre avaient été observées au XIXème siècle, mais non décrites : trois au Brésil correspondant très vraisemblablement, d’après les hôtes ou la localisation des néosomes, à T. caecata, T. bossii, de description récente, et T. bondari (in Burmeister, 1853 et 1854, et in Heusser & Claraz, 1860, auteurs cités par Smit, 1962a) ; la quatrième fut notée par Blandford, (1894) sur des rats d’égouts à Ningpo, en Chine, et correspond, avec une quasi certitude, à T. caecigena.
Répartition, hôtes et descriptions
Nous décrirons les espèces par ordre chronologique, en précisant la localité type, les autres pays ou régions concernés (figure 1), la synonymie, le groupe biologique, les hôtes et l’état actuel des descriptions (femelle et/ou mâle, larve éventuellement).
Fig. 1. – Carte de la répartition des 12 espèces décrites dans le genre Tunga Jarocki, 1838. Chaque chiffre correspond à la localité type d’une espèce. Les espèces sont classées de 2 à 12 en fonction de leur ordre chronologique de description. Le numéro 1, qui revient à T. penetrans, ne peut être valablement précisé. La zone en grisé correspond à l’aire que nous supposons primitive, mais le Brésil est le pays désigné par Linné. |
Des 12 taxons actuellement décrits, neuf sont, au moins primitivement, néotropicaux, un est néarctique et deux sont paléarctiques. Toutefois, Tunga penetrans qui est actuellement aussi abondante en région afrotropicale, zone conquise, qu’en région néotropicale, zone primitive, pose un petit problème. L’hôte ou les hôtes primitifs de cette espèce ne semblent guère discernables.
Par ailleurs, si l’on admet l’invasion du continent américain, à partir de la région paléarctique, par des rongeurs passant par le détroit de Béring (cf. inter alia Patterson, 1957), on ne peut que constater qu’en dépit de la prééminence du nombre d’espèces de Tunga en région néotropicale, tout se passe comme si les deux taxons connus de Chine représentaient les formes ancestrales du genre. Ceci fut implicitement reconnu par Smit, (1962a) qui divisa ce genre en deux groupes, celui qui renferme les espèces chinoises étant classé comme le plus “primitif”.
1 – Tunga Penetrans (Linné, 1758)
Localité type : “Brésil” teste Linné, 1758.
Autres pays ou régions concernés : toute l’Amérique du Sud, du nord de l’Argentine Macchiavello, (1948) la cite pour le Chili “à partir de l’île de Chiloë”), au Mexique où cette espèce, autrefois considérée comme un fléau, semble actuellement ignorée (Staden, 1557; Vizy, 1863 ; Karsten, 1865 ; Bonnet, 1867 ; Blanchard, 1890 ; Macchiavello, op. cit. ; Hopkins & Rothschild, 1953 ; Linardi & Guimarães, 2000 ; Acosta et al., 2008...). Les premiers Européens à l’avoir observée semblent être Oviedo en 1526 aux Antilles (Guyon, 1870) et Staden en 1557 au Brésil (Pampiglione & Fioraventi, 2002). Sa présence dans “l’arc antillais” n’est sans doute pas primitive au sens strict, mais elle y est signalée partout dès la colonisation de l’Amérique par les Conquistadores. À l’heure actuelle, elle en a disparu ou est en forte régression un peu partout, cette régression pouvant être cyclique comme à Trinidad, par exemple, où Chadee, (1994) fait état d’un hyperendémisme, alors que Ménier et Mahler (University of West Indies) n’ont pas pu en examiner un seul exemplaire de 2003 à 2005 (comm. orale, XII-2011).
T. penetrans fut introduite en région afrotropicale, peut-être dès le XVIIème siècle, voire même au XIVème (Adanson, 1759 ; Hoeppli, 1963). Pour Jeffreys, (1952) “There is unequivocal evidence for its (Pulex (sic) penetrans) presence in Senegambia in 1678 and probable presence at Walata (actuellement au Mali) in 1324”. Certes, on peut admettre que les Phéniciens touchèrent les côtes américaines bien avant l’ère colombienne (Hooton, 1938) et que certains peut-être revinrent vers l’Afrique, mais il nous semble que cette piste demeure fragile. Quoi qu’il en soit, il paraît certain que l’invasion “définitive” du continent eut lieu à la fin du XIXème siècle, en 1872 précisément, à la suite de son introduction en provenance du Brésil, par le sable des ballasts du navire Thomas Mitchell touchant terre soit au Gabon, soit en Angola (Blanchard, 1890). Puis, des missions multiples vers l’intérieur du continent à partir de la côte occidentale (explorations, expéditions militaires, constructions de voies ferrées...) “... amenèrent cette puce vers la côte orientale. En 1891, elle avait traversé le lac Nyassa et pénétré dans l’Ouganda. En 1894, la côte orientale de l’Afrique est atteinte. En 1899, elle est signalée pour la première fois à Madagascar (Blanchard, 1899)” (Jeanselme & Rist, 1909). Divers auteurs la signalent aux Seychelles, aux Mascareignes, en Inde : “À la même époque (1899), la chique fut importée dans l’Inde où, le nombre de cas n’a cessé de décroître jusqu’à sa disparition totale... ainsi donc, l’empire indien paraît être à l’abri du fléau” (Jeanselme & Rist, op. cit.). Ces dernières citations correspondent en fait à des implantations temporaires (cf. inter alia, Iyengar, 1973). De même, sa collecte en Tunisie, à Tunis précisément (Jordan & Rothschild, 1911), fut le fait d’un apport “touristique” sans lendemain comme il en existe chaque année en tous les points du monde (Hastriter, 1997 ; Degeilh & Beaucournu, 2003). Pour la région afrotropicale, comme pour la région néotropicale, on note localement des pics d’abondance alternant à des périodes de quasi-disparition ; on peut citer, par exemple, le cas de Madagascar (Beaucournu & Fontenille, 1993).
Synonymie :
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Pulex minimus cutem penetrans Catesbay, 1743 (dénomination pré-linnéene)
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Pulex minutissimus nigricans Barrère, 1743 (idem)
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Acarus fuscus sub cutem nidulans Brown, 1756 (idem)
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Pulex penetrans Linné, 1758 maregr & piso, bras., Tunga
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Pulex reptans Illiger, 1805
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Rhynchoprion penetrans (Linné), Oken, 1815
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Tunga penetrans (Linné), Jarocki, 1838
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Dermatophyllus penetrans (Linné), Lucas, 1839
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Dermatophylus penetrans (Linné), Lucas, 1839
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Sarcophaga penetrans (Linné), Westwood, 1840
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Sarcopsylla penetrans (Linné), Westwood, 1840
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Sarcopsylla canis Westwood, 1840 ? nomen nudum
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Dermatophilus penetrans (Linné), Guérin-Méneville, 1843
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Psammodes penetrans mihi, Gistel, 1850
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Sarcopsyllus penetrans (Linné), Taschenberg, 1880
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Dermatophilus penetrans (Linné), Jordan & Rothschild, 1906
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Tunga penetrans Linné (1758), Jordan & Rothschild, 1921
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Tunga (Tunga) penetrans (Linné), Lewis, 2009
Groupe : penetrans (pour cette classification en “groupes”, cf. paragraphe “Phylogénie”).
Hôtes (nous suivrons Wilson & Reeder (1993) pour le nom des hôtes et leur place dans la classification) : Homo sapiens (hôte type) ; Canis lupus (= familiaris) ; Canis sp. ; Felis catus (Carnivora) ; Sus scrofa ; Bos taurus ; Bos sp. ; Capra hircus ; Ovis aries ; Equus caballus ; Equus spp. ; Tapirus americanus ; Pecari tajacu ; Lama glama ; Vicugna vicugna (Artiodactyla) ; Dasypus hybridus ; Dasypus sp. ; Chaetophractus villosus ; Tamandua tridactyla (Xénarthres) ; Rattus rattus ; R. norvegicus ; Mus musculus (Rodentia, Muridae, Murinae) ; Cavia sp. (Rod., Caviidae) (Macchiavello, 1948 ; Hopkins & Rothschild, 1953 ; Linardi & Guimarães, 2000 ; Ezquiaga et al., 2008 ; Beaucournu, non publié). Les références concernant les rongeurs sont pour la plupart extraites de Macchiavello et nous ne pouvons ni les confirmer, ni les infirmer. Macchiavello (op. cit.) ajoute le gallinacé Gallus gallus, puis Linardi & Guimarães (2000) citent un autre oiseau, le passeriforme Volatina jacarina ou Tiziu. Il s’agit d’hôtes manifestement très accidentels, si tant est qu’il n’y ait pas eu erreur d’identification soit de l’hôte, soit du parasite : à plusieurs reprises, Hectopsylla (sans doute psittaci Frauenfeld, 1860) fut confondue avec Tunga.
En région afrotropicale, l’homme est de loin l’hôte le plus souvent cité et, par exemple, Hopkins & Rothschild (1953) ne citent cette puce pour le continent africain et Madagascar que de l’homme ou de ses habitations. Les divers auteurs ayant rédigés une liste faunistique pour cette région ou une partie de celle-ci (De Meillon et al., 1961 ; Lumaret, 1962 ; Haeselbarth, 1966 ; Beaucournu & Fontenille, 1993 ; Segerman, 1994 ; Beaucournu, 2004) se contentent de signaler sa présence sur l’homme et quelques animaux domestiques. Toutefois, Ribeiro (1974) cite en Angola une femelle sur Potamochoerus porcus (Suidé) ; de même, nous avons identifié en République Démocratique du Congo une femelle non gorgée sur Hybomys univittatus (Muridé) (Beaucournu, non publié).
État actuel des descriptions : mâle, femelles libre et enkystée sont connues : Jordan (1948) ; Traub (1950) ; Hopkins & Rothschild (1953). La larve fut d’abord décrite par Bonnet (1867), puis une étude plus approfondie en fut donnée par Hicks (1930).
2 Tunga Caecata (Enderlein, 1901)
Localité type : Piracicaba (22° 43’ S – 47° 38’ O), São Paulo, Brésil.
Autres régions concernées : provinces de Minas Gerais (Ouro Preto : 20° 23’ S – 43° 40’ O) et de Paraná (Curitiba : 25° 25’ S – 49° 15’ O), Brésil (Linardi & Guimarães, 2000).
Synonymie :
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Sarcopsylla caecata Enderlein, 1901
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Dermatophilus caecata (Enderlein), Jordan & Rothschild, 1906
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Tunga caecata Enderl. (1901), Jordan & Rothschild, 1921
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non Tunga caecata Enderlein, in Banks, 1964, err. det.
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Tunga (Brevidigita) caecata (Enderlein), Lewis, 2009
Groupe : caecata.
Hôtes : Rattus rattus (hôte type) ; R. norvegicus ; Mus musculus (Rod., Muridae, Murinae) ; Akodon cursor ; Rhipidomys mastacalis ; Nectomys squamipes (Rod., Muridae, Sigmodontinae).
État actuel des descriptions : le mâle est toujours inconnu, de même que la femelle libre (Beaucournu et al., 2012). La femelle enkystée a été sommairement décrite par Enderlein (1901), puis in Hopkins & Rothschild (1953) et enfin par Linardi & Guimarães (2000). La première observation vraisemblable de ce taxon remonte à Burmeister (1853) qui écrit, à propos de son expédition au Brésil “... erhielt einmal eine Maus, die an dem einen Ohr 13, am andern 14 grosse Sandflöhe under der Haut beherbergte” (texte cité par Smit, 1962a).
3 Tunga Caecigena Jordan & Rothschild, 1921
Localité type : Ning-Po (29° 52’ N – 121° 31’ E), Chekiang, Chine.
Autres régions ou pays concernés : Shangaï (31° 15’ N – 121° 28 E) ; Dong Chia Hong près de Soochow (31° 18’ N – 120° 37’ E) ; Kiangsu (33° 00’ N – 120° 00’ E) ; Dong Chia Hong près de Soochow, Kiangsu ; Wu Tung Chiao (29° 26’ N – 103°51’ E), Szechuan ; Foochow (26° 06’ N – 119° 17’ E), Fukien ; Futsing, Fukien ; toutes ces localités en Chine (Smit, 1962b in Jordan, 1962). Introduite au Japon : Osaka (34° 30’ N – 135° 30 E) ; Nishinomiya, près de Kôbe (34° 41’ N – 135° 10’ E) ; Honshu (36° 00’ N - 138° 00’ E) (Smit, 1962b in Jordan, 1962 ; Sakaguti & Jameson, 1962).
Synonymie :
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Dermatophilus lagrangei Roubaud, 1925
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Tunga (Brevidigita) caecigena Jordan & Rothschild, Wang, 1976
Groupe : caecata.
Hôtes : Rattus norvegicus (hôte type) ; R. rattus ; R. losea ; Mus musculus ; Mus bactrianus (Rod., Muridae, Murinae) ; Suncus murinus (Insectivora, Crocidurinae).
État actuel des descriptions : la femelle enkystée fut d’abord décrite (Jordan & Rothschild, 1921 ; Roubaud, 1925), puis la femelle libre (Jordan, 1962) ; le mâle a été étudié par Chen & Ku (1958), puis par Sakaguti & Jameson (1962).
4 Tunga Travassosi Pinto & Dreyfus, 1927
Localité type : Sorocaba (23° 29’ S – 47° 27’ O), São Paulo, Brésil.
Autre région concernée : province de Minas Gerais (localité non précisée), Brésil (Linardi & Guimarães, 2000).
Synonymie :
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Tunga (Tunga) travassosi Pinto & Dreyfus, Lewis, 2009
Groupe : penetrans.
Hôte : Dasypus novemcinctus (Xénarthre, Dasypodidae).
État actuel des descriptions: seule la femelle enkystée est connue (Pinto & Dreyfus, 1927 ; Hopkins & Rothschild, 1953 ; Linardi & Guimarães (2000).
5 Tunga Bondari WAGNER, 1932
Localité type : Bahia, Salvador (12° 59’ S – 38° 31’ O), Brésil.
Autres régions concernées : provinces de Minas Gerais (Serra da Canastra : coord. ?) et de São Paulo (Franca : 20° 32’ S – 47° 24’ O), Brésil (Hopkins & Rothschild, 1953 ; Linardi & Guimarães, 2000).
Synonymie :
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Tunga (Tunga) bondari Wagner, Lewis, 2009
Groupe : penetrans.
Hôtes : Tamandua tetradactyla (Xénarthre, Myrmecophagidae).
Le Sériema, ou Cariama huppé (Cariama cristata, Cariamidae), oiseau cité par Hopkins & Rothschild (1953) et repris sans commentaire par Linardi & Guimarães (2000), nous semble totalement accidentel, vraisemblablement fruit d’une erreur de collecte ou d’étiquetage.
État actuel des descriptions : seule la femelle enkystée est connue (Wagner, 1932 ; Hopkins & Rothschild, 1953 ; Linardi & Guimarães, 2000).
6 Tunga Terasma Jordan, 1937
Localité type : Anápolis (16° 20’ S – 48° 58’ O), Goyaz, Brésil.
Autres régions concernées : provinces de Minas Gerais (Serra da Canastra : coord.? ; Unai : 16° 23’ S – 46° 53’ O) et de São Paulo (localité non précisée), Brésil (Linardi & Guimarães, 2000).
Synonymie :
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Tunga travassosi Pinto & Dreyfus, teste Fonseca, 1936, err. det.
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Tunga (Tunga) terasma Jordan, Lewis, 2009
Groupe : penetrans.
Hôtes : Cabassous unicinctus (hôte type) ; Euphractus sexcinctus ; Priodontes maximus (Xénarthres, Dasypodidae).
État actuel des descriptions : le mâle et la femelle enkystée sont connus (Hopkins & Rothschild, 1953 ; Linardi & Guimarães, 2000).
7 Tunga Callida Li & Chin, 1957
Localité type : province du Yunnan, Chine.
Autres régions concernées : “South west mountain subregion” et “West plateau montain subregion” (Liu Zhiying et al., 1986). Cette dernière région est commune avec T. caecigena.
Synonymie :
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Tunga (Brevidigita) callida Li & Chin, 1957 ; Wang, 1976
Groupe :caecata.
Hôtes : Rattus sp. (hôte primaire) ; Rattus rattus ; R. norvegicus ; Apodemus chevrieri ; Mus bactrianus (Rod., Muridae, Murinae) ; Eothenomys custos (Rod., Arvicolidae).
État actuel des descriptions : la femelle enkystée (Li & Chin, 1957), puis le mâle (Wang, 1976) sont connus.
8 Tunga Libis Smit, 1962
Localité type : Riobamba (1° 40’ S – 78° 38’ O), Chimborazo, Équateur.
Autres régions concernées : Whiting et al. (2008) citent Tunga libis sur Phyllotis andium. Il s’agit de deux femelles récoltées au Pérou, région d’Ancash (9° 30’ S – 77° 45’ O), mais dont l’identification, bien que très vraisemblable, n’est plus certaine à la lumière de la description de T. bonneti (Hastriter, in litt. 18.01.12).
Synonymie :
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non T. libis Smit, femelles signalées du Chili, in Smit, 1969, err. det. pour T. bonneti
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Tunga libis, in Whiting et al., 2008 ?
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Tunga (Tunga) libis Smit, Lewis, 2009
Groupe : caecata.
Hôtes : Akodon mollis (hôte type) ; Phyllotis andium ? (Rod., Muridae, Sigmodontinae).
État actuel des descriptions : seul le mâle holotype est connu avec certitude (Smit, 1962a cf. Beaucournu et al., 2012). Une ou deux femelles sont signalées du Pérou (Whiting et al., 2008), mais elles ne furent pas décrites et, selon Hastriter (in litt., II. 2012), cette détermination est à vérifier depuis la découverte de bonneti, qui est proche de libis. Le néosome est situé dans le pavillon de l’oreille comme chez caecata et monositus, pour ne citer que des taxons “américains” ; la spermathèque, sphérique, peut évoquer celle de bossii.
9 Tunga Monositus Barnes & Radovsky, 1969
Localité type : San Quintin Bay (30° 27’ N – 116° 12’ O), Baja California, Mexique.
Autres régions ou pays concernés : San Martin Island, Baja California, Mexique ; Zion National Park (37° 10 N – 113° 0’ O), Washington County, Utah, USA (Hastriter, 1997).
Synonymie :
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non Tunga caecata Enderlein, in Banks, 1964, err. det., cf. Barnes & Radovsky, 1969
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Tunga (Tunga) monositus B. & R., Lewis, 2009
Groupe : caecata.
Hôtes : Peromyscus maniculatus (hôte type) ; P. eremicus ; P. crinitis ; Neotoma lepida ; Neotoma spp. (Rod., Muridae, Sigmodontinae).
État actuel des descriptions : mâle, femelles libre et enkystée sont connus, de même que la larve qui présente la particularité par rapport à penetrans (seule autre Tunga chez qui la larve a été décrite) d’avoir des pièces buccales atrophiées (Barnes & Radovsky, 1969).
10 Tunga Trimamillata Pampiglione, Trentini, Fioraventi, Onore & Rivasi, 2002
Localité type : Santa Isabel (3° 21 S’ – 79° 19’ O), Azuai, Équateur.
Autres régions ou pays concernés : Équateur : province de Loja, (4° 0’ S – 79° 13’ O), (Pampiglione et al., 2004), Machala (3° 16’ S – 79° 58’ O) (Pampiglione/ Fioraventi, non publié) ; Pérou : Piura et Suyo, province de Ayabaca (4° 39’ S – 79° 40’ O) (Fioraventi et al., 2006) ; Brésil (sine loco) (Eiseli et al., 2003 ; Linardi, in litt.).
Synonymie :
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Tunga (Tunga) trimamillata Pampiglione et al., Lewis, 2009
Groupe : penetrans.
Hôtes : Capra hircus (hôte type) ; Bos taurus ; Sus scrofa ; Ovis aries (Artiodactyles) ; Homo sapiens.
L’hôte type n’est pas indiqué par les auteurs qui écrivent “This makes T. trimamillata more similar to T. penetrans which is the only one among the nine species known of genus Tunga not limited to a single or to a few closely related host species” (Pampiglione et al., 2002). Toutefois, Linné a bien spécifié que l’homme était l’hôte de Pulex penetrans. Étant donné que Pampiglione et al. précisent dans leurs deux premières publications sur cette espèce (2002, 2003) que leur nouvelle Tunga parasitait “goats, swine and cattle” ou “goats, pigs and cattle”, nous pensons pouvoir désigner comme hôte type la chèvre, Capra hircus. Actuellement, à notre connaissance, aucun mammifère indigène n’est signalé.
État actuel des descriptions : mâle, femelles libre et enkystée sont décrits (Pampiglione et al., 2003 ; Pampiglione et al., 2004).
11 Tunga Bossii Avelar De, LinharèS & Linardi, 2012
Localité type : Serra de Itatiaia, Itatiaia National Park (22° 26’ S – 44° 51’ O), Rio de Janeiro, Brésil.
Synonymie : néant.
Groupe : caecata.
Hôte : Delomys dorsalis (Rod., Muridae, Sigmodontinae). État actuel des descriptions : seule la femelle holotype enkystée est connue (Avelar et al., 2012). Cette espèce avait été vue, mais non décrite, dans la province de Minas Gerais, par Reinhardt en 1853 (teste Burmeister, 1854, cité et commenté par Smit, 1962 qui écrit : “Mesomys spinosus (ce taxon ne nous est pas connu) suffers from sand-fleas which preferably burrow near the anus and genitalia, at the base of the tail. This is very reminiscent of the habit of the recently described chinese Tunga callida and I wonder whether indeed a similar species does occur in Brazil”). Dans le même paragraphe, Burmeister nous informe que le Dr Reinhardt “Zeigte mir in Lagoa Santa (Minas Gerais) eine Hausmaus (= Mus musculus), die 13 solcher Flöhe an dem einen und 12 am andern Ohr hatte”. Cette fois, il ne peut s’agir que de T. caecata. Burmeister puis Reinhardt auraient donc, apparemment, vu les deux Tunga inféodées aux rongeurs dans ce pays, caecata et bossii !
12 Tunga Bonneti Beaucournu & Gonzálezacuña, 2012
Localité type :Quebrada Higuera (31° 30’ S – 71° 06’ O), Atacama, Chili (holotype).
Autres régions concernées du Chili :provinces de Santiago (33° 29’ S – 71° 37’ O) ; Linari (30° 38’ S – 71° 31’ O) ; Huasco (28° 02’ S – 71° 06’ O) ; Chañaral (26° 09’ S – 70° 40’ O) ; Antofagasta (25° 24’ S – 70° 30’ O) ; El Loa (21° 10’ S – 68° 19’ O) (allotype et paratypes).
Synonymie :
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Tunga libis Smit, 1962a, in Smit, 1969, femelles du Chili, err. det.
Groupe : caecata.
Hôtes : Phyllotis darwini (hôte type) ; Ph. xanthopygus (Rod., Muridae, Sigmodontinae).
État actuel des descriptions : le mâle et les femelles libre et enkystée sont connus (Beaucournu et al., 2012).
13 Tunga Sp. Nova Avelar et al. (Sous Presse)
Aucun document n’est encore disponible, sauf l’origine : Brésil (Linardi, in litt., 2012).
Phylogénie
La proposition de Smit (1962a), basée tant sur l’anatomie que sur la spécificité, de diviser Tunga en groupes est excellente car elle permet de mieux appréhender ce genre. En revanche, et nous sommes en plein accord avec Linardi & Guimarães (2000), la scission taxonomique de Wang (1976) qui créait le sous-genre Brevidigita pour les deux taxons paléarctiques, caecigena et callida, nous semble sans valeur, en dépit de son acceptation par Lewis (2009) qui y ajoutait caecata.
Smit (op. cit.) scinde le genre Tunga en deux groupes, et ceci sur des critères parasitaires et morphologiques. Nous le citons :
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“Penetrans-group – Parasites of South American Edentates... T. penetrans, however is promiscuous in the choice of host... This is the advanced, or degenerate, group. The pronotum is dorsally completely fused with the mesonotum and the chaetotaxy of the fifth tarsal segment is strongly reduced, there being only two pairs of hair-like lateral plantar setae present and no patch of minute plantar setae; in the female the spiracular fossae of terga II-IV have vanished in T. penetrans (this character could not be checked in the other species of this group): penetrans, bondari, travassosi, and terasma”. (trimamillata ne fut isolée qu’en 2002).
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“Caecata-group – Parasites of murid rodents (Rattus, Mus, Akodon). This is the primitive group. The pronotum is dorsally not, or not wholly, fused with the mesonotum and the chaetotaxy of the fifth tarsal segments is not much reduced, there being three or four pairs of stiff subspiniform lateral plantar setae as well as a patch of minute plantar setae; in the female the spiracular fossae of terga II-IV are small in T. caecigena (the available material of the other species in this group does not show terga II-IV or not clearly): caecata, libis, caecigena, and callida”. (monositus ne fut décrite qu’en 1969 ; s’y sont ajoutées depuis bossii et bonneti, ces deux Tunga étant décrites en 2012).
À l’opposé de ce que montrent T. penetrans et T. trimamillata, parasites peu spécifiques s’attaquant essentiellement à des moyens ou grands mammifères, particulièrement l’homme pour penetrans, les espèces de Tunga liées aux Xénarthres (T. travassosi, T. bondari, T. terasma) sont certes peu connues, mais la liste donnée ci-dessus nous a montré un tropisme très net : Dasypodidae pour travassosi et terasma, Myrmecophagidae pour bondari. Le fait que les Megalonychidae et les Bradypodidae ne soient, apparemment, pas parasités vient vraisemblablement de leurs moeurs arboricoles.
Ce sont les rongeurs Muridae qui représentent la famille hôte primitive des Tunga, hébergeant sept espèces sur les 12 connues. Les Muridae-Sigmodontinae (ex Cricetidae pro parte) ont explosé en Amérique, c’est-à-dire dans les régions néarctique et néotropicale : les Sigmodontinae dérivent d’un stock commun avec les Murinae et leur répartition y couvre les zones équatoriales et tempérées chaudes correspondant à la dispersion des Tunga du groupe caecata. Dans cette optique, on doit admettre que les deux espèces paléarctiques connues de Chine, T. caecigena et T. callida (introduite au Japon pour T. caecigena) sont réellement, et primitivement, parasites de Murinae, Rattus spp., essentiellement.
Les espèces néotropicales, ou du sud de la région néarctique pour T. monositus, sont toutes liées aux Sigmodontinae ; d’ailleurs, les Murinae ont tous été introduits dans cette région biogéographique. Linardi & Guimarães (2000) considéraient encore que T. caecata était inféodée aux Murinae (Rattus spp. et Mus). Il faut attendre un article récent de Avelar & Linardi (2010) pour voir que cette puce est seulement un peu moins spécifique que les autres Tunga néotropicales, ou néarctiques, de ce groupe : les rats sont encore cités, mais divers Sigmodontinae sont notés comme hôtes.
Chorologie, phénologie, écoologie, sexe-ratio
Nous pensons avoir montré (Beaucournu et al., 2012) que les sols pulvérulents, donnés comme favorables pour T. penetrans par la majorité des auteurs, à l’exception de Bonnet (op. cit.) qui ne mentionne pas de milieux favorisants, l’étaient également pour les autres espèces congénériques. De plus, les biotopes “ouverts” semblent être préférés, voire privilégiés par Tunga. À notre avis, la latitude mise à part, car son incidence par le biais de la température est certaine, la plupart des autres paramètres sont négligeables. L’altitude, par exemple, ne semble curieusement jouer aucun rôle en dépit de son implication dans la température ambiante. T. penetrans fut collectée en abondance à 2 661 m d’altitude à Santa Fé de Bogota (Hoeppli, 1963) et jusqu’à 3 100 m dans un autre point, non précisé, de Colombie (Guyon, 1870). L’holotype de T. libis, en Équateur, a été récolté à 2 200 m ; les types de T. monositus furent collectés au niveau de la mer. Enfin, si l’allotype de T. bonneti fut également noté à ce niveau, l’un des paratypes vient de 3 794 m !
Roubaud (1925) est le premier à avoir abordé la phénologie des Tunga à propos de Dermatophilus lagrangei (= Tunga caecigena) : “C’est pendant la saison froide, de janvier à mars, que les rats porteurs de tumeurs à chiques ont été rencontrés... Tous les parasites sont sensiblement au même stade de développement, ce qui semble indiquer que l’évolution parasitaire de Dermatophilus lagrangei est très saisonnière”. Pour cette même espèce, (Smit, 1962b in Jordan, 1962) écrit “The fleas are probably univoltine and are usually found in the cold season... The closely related Tunga callida Li and Chin, 1957, also, has been collected only during the period November to March”. Les données publiées par Barnes & Radovsky (1969), puis par Hastriter (1989) à propos de T. monositus, et enfin celles de Beaucournu et al. (2012) basées sur un nombre très important d’observations de néosomes de T. bonneti, vont dans le même sens. Notons toutefois que T. bossii, du Brésil, fut collectée en décembre.
Chez les Siphonaptères, la vie larvaire la plus classique nous montre des larves évoluant dans la litière de l’hôte, en même temps le plus souvent que les mammifères ou oiseaux juvéniles. Les larves se nourrissent de débris protéiniques et impérativement de sang, celui-ci provenant des excreta des puces adultes hématophages. Divers genres ou espèces de puces, Xenopsylla (Pulicidae) par exemple, dont les hôtes vivent en terrier, vont se rencontrer dans le sol à très fine granulométrie. C’est cette option que les Tunga ont adoptée, mais chez T. monositus, au moins, la larve dépourvue de pièces buccales ne se nourrit pas.
L’écologie des Tunga adultes est bien sûr originale. Les deux sexes se nourrissent, mais le mâle à la surface du corps de l’hôte (c’est un ectoparasite), et la femelle à l’intérieur de celui-ci (c’est un mésoparasite). Mâles et femelles, bien que montrant une troisième paire de pattes plus longue que les deux premières, donc théoriquement “adaptée au saut”, sont connus, au moins chez penetrans et trimamillata, pour être de mauvais sauteurs. Ceci n’est d’ailleurs pas exceptionnel chez les Siphonaptères et se rencontre dans des genres ou familles très divers : chez Glaciopsyllus (Ceratophyllidae) et Parapsyllus (Rhopalopsyllidae), ces deux genres parasitant des oiseaux ; chez les Ischnopsyllidae qui sont inféodés aux chauves-souris, et bien d’autres... Fait unique chez les Siphonaptères, et observé dès 1865 par Karsten, le mâle dans le genre Tunga est placé pendant la copulation au-dessus de la femelle (ce qui est classique chez les insectes) et non en dessous comme chez toutes les autres puces : cette caractéristique fut notée par divers entomologistes “anciens” (Roesel von Rosenhof, 1749 chez Ctenocephalides ; Karsten, op. cit. chez Pulex irritans). Notons enfin que l’oeuf n’est pas simplement pondu, mais expulsé à quelques millimètres du corps de l’hôte.
En corollaire à la position du mâle pendant la copulation, le phallosome est unique dans sa morphologie. Chez toutes les autres puces, le “corps” de cet organe, ou phallosome, est “monolithique” comme d’ailleurs, et c’est un fait curieux, chez les insectes à accouplement dorso-ventral. Chez Tunga, il est articulé, pouvant se plier à environ 45° : cette adaptation permet l’intromission de l’organe dans les voies génitales de la femelle, voies qui par l’enkystement total de celle-ci sont orientées à 90° de l’axe du corps du mâle posé, lui, sur la peau de l’hôte.
Bonnet (op. cit.) et Guyon (op. cit.), en redécrivant Tunga, notent que la coxa III présente un fort crochet à sa partie antéro-ventrale, crochet qui faciliterait la pénétration de la femelle dans le corps de l’hôte. Cette hypothèse, à première vue séduisante et qui semble confortée par Neotunga, est réfutée par le fait que la même conformation se rencontre non seulement chez les mâles de Tunga, mâles qui ne sont pas, eux, “mésoparasites”, mais également chez Echidnophaga et Phacopsylla, toujours “ectoparasites”. L’aptitude au saut chez Tunga est faible et est même niée par certains, ce qui est exagéré : son amplitude va de quelques millimètres à quelques centimètres, selon les observations, mais elle existe. Dès que la femelle s’enkyste, l’autotomie de ses pattes débute, commençant par l’apex de la troisième paire. À la phase terminale de l’enkystement, toutes les pattes sont atrophiées, préservant toutefois, au moins, les coxae.
Chez les puces sessiles, c’est-à-dire qui sont fixées à vie (Echidnophaga ou Hectopsylla, par exemple) ou temporairement sur leur hôte par leurs pièces buccales (Spilopsyllus s.l. par exemple, c’est-à-dire en incluant les puces décrites dans le genre Cediopsylla), celles-ci sont toujours longues et abondamment pourvues de denticulations, comme chez Tunga. L’abdomen des femelles, et d’elles seules, montre une augmentation de taille, augmentation mise en évidence par l’aspect blanchâtre des membranes inter-segmentaires distendues et la disposition des tergites et sternites isolés les uns des autres. Ceux-ci ne sont en aucun cas dégénératifs, ni eux, ni les spiracles qu’ils portent.
Parler de sexe-ratio dans le genre Tunga où plusieurs taxons se caractérisent par l’extrême rareté des mâles, voire leur absence dans les récoltes (caecata, travassosi, bondari, bossii), peut paraître provocateur, mais les raisons de ce déséquilibre doivent exister : chez les Siphonaptères, le sexe-ratio lors des collectes de terrain est, normalement, en faveur des femelles, de l’ordre de 0,6 à 0,9, mais ces chiffres varient selon que l’on étudie les puces prélevées sur l’hôte ou dans son nid, ou dans sa litière, ou enfin après un élevage. Dans certains genres (Doratopsylla par exemple), les mâles collectés sur l’hôte sont plus abondants que les femelles, ceci étant lié à une éthologie différente d’un sexe à l’autre.
Chez les puces “classiques”, la présence ou l’absence de l’oeil correspond souvent au mode de vie de l’hôte spécifique, ou de son ectoparasite. La recherche active de l’hôte pousse au bon “développement” de cet organe (ou vice-versa, il faut le reconnaître) : on peut citer Pulex irritans (Pulicidae), puce dite “de l’homme”, mais primitivement liée à Vulpes, mais aussi Dorcadia sp. (Vermipsyllidae), parasite de moyens ou grands artiodactyles (moutons, yacks, chameaux, chevaux...) qui semble pratiquer une “chasse” à l’affut, ou encore Dasypsyllus spp. (Ceratophyllidae), puces d’oiseaux de presque toutes les régions du monde, sauf la région afrotropicale, mais dont le nombre de captures sur des petits mammifères, hôtes aberrants, montre que leur quête est sans doute essentiellement visuelle et non “olfactive”. La vie souterraine, ou l’écologie des puces de chiroptères (hôtes et parasites occupant des gîtes obscurs), par l’inutilité de la vue dans ces deux cas de figure, entraîne une atrophie, voire une disparition de l’oeil : citons les Ischnopsyllidae, famille dont tous les genres sont parasites stricts des chauves-souris, ou les Palaeopsylla du groupe minor (Ctenophthalmidae) inféodées au genre Talpa, insectivores strictement souterrains. On peut, au passage, noter que Peusianapsylla, sous-genre fossile de Palaeopsylla, nous montre des yeux apparemment fonctionnels, ce qui équivaut à dire que les micromammifères hôtes n’avaient pas la biologie des Talpa !
Que peut-on tirer de ces observations dans l’étude du genre Tunga ? Notons d’emblée que chez les deux espèces du groupe penetrans inféodées aux artiodactyles et à l’homme, T. penetrans et T. trimamillata, les mâles, sans être abondants dans les collectes, ne sont pas rares. Bonnet (op. cit.) estime que, in natura, le rapport ♀/♂ est de 8/1 chez penetrans, ce qui est très faible pour un siphonaptère “normal”, mais semble pléthorique pour une chique ! Bonnet écrit de plus que ce ratio est biaisé par la vie “endoparasitaire” de la femelle. Or, ces deux Tunga nous montrent un oeil bien développé. Dans le “sous-groupe” réunissant les trois espèces liées aux xénarthres, seule T. terasma possède un oeil pigmenté et grand : c’est la seule chez qui le mâle soit connu. Le groupe caecata comporte sept espèces. Le mâle est connu chez caecigena, callida, libis, monositus et bonneti : l’organe de la vision est pigmenté et développé chez libis et bonneti ; il est de petite taille chez monositus ; il est absent chez caecigena et callida (comme d’ailleurs chez caecata et bossii). Il nous semble que nous pouvons suggérer ici un début d’explication : l’oeil, lorsqu’il est présent, va permettre une recherche active de l’hôte, nous l’avons montré ci-dessus. Cette quête se fera à l’air libre pour penetrans, trimamillata et, sans doute, pour terasma, parasite de fourmiliers. Dans le cas des Tunga inféodées aux rongeurs, on peut penser que, selon l’acuité visuelle de la puce, la recherche de l’hôte aura lieu soit essentiellement à la surface du sol pour les espèces “bien voyantes” (les deux femelles classées à tort par Smit (1969) comme “libis” furent trouvées dans des pièges à formol placés à la surface du sol), soit dans les terriers pour les autres : dans ce cas, le rongeurcible sera détecté par d’autres sens que la vue et le biotope où vit le mâle, essentiellement souterrain, rendra sa capture plus délicate.
Dermecos et rôle pathogène
Rappelons tout d’abord que par “dermecos”, terme créé par Smit (1972), il faut entendre “the microhabitat created by the host-skin and its outgrowths”. Ici, le dermecos est la localisation élective de la femelle enkystée de Tunga, c’est-à-dire l’emplacement du néosome.
Les deux espèces de Tunga liées aux Artiodactyles (et accessoirement à l’homme pour T. trimamillata) semblent se singulariser. T. penetrans, mieux étudiée chez l’homme que chez les artiodactyles, est tout particulièrement observée aux niveaux des pieds (sillon périunguéal du gros orteil en particulier) ou des pattes, où le néosome, la classique “chique” ou “boule de gui”, est observable, mais presque toutes les localisations sont possibles. Généralement, le parasitisme est faible (de un à trois par porteur, surtout s’il s’agit d’un touriste), mais chez des autochtones présentant un état clinique invalidant (par exemple, en Afrique intertropicale, une personne en phase terminale de Trypanosomose africaine ou “maladie du sommeil”), le nombre de chiques peut être très élevé, dépassant la centaine. Au XIXème siècle, T. penetrans fut une cause grave et fréquente de consultations et/ou d’invalidations temporaires chez les soldats de l’Expédition française au Mexique (Vizy, 1863). Récemment, Chadee (1994), Heukelbach et al. (2001 & 2004) ont tracé des listes inquiétantes de maladies pouvant résulter de ce parasitisme dans des communautés défavorisées de Trinidad ou du Brésil. De même, Heymer (1984) insiste sur la lourde incidence de cette puce chez des Pygmées Bayaka sédentarisés au contact des Bantous en forêt tropicale africaine. On ne peut passer sous silence le risque de surinfections par germes telluriques, et en particulier celui du tétanos (Clostridium tetani), ceci étant favorisé par les plaies créées au niveau des pieds, soit directement par l’insecte, soit par l’extraction de celuici. Dans un registre moins dramatique, Pampiglione et al. (1998) donnent une bonne représentation de la pathologie liée à T. penetrans chez le porc à São Tomé ; personnellement, nous avons observé des infestations très élevées au Togo, également chez des porcs, avec plus de 30 chiques par pied !
T. trimamillata semble avoir dans les Andes le même dermecos que T. penetrans (Fioraventi et al., 2006), mais les dimensions des lésions seraient plus grandes et amèneraient davantage de complications, en particulier chez les moutons et les chèvres ; le porc serait moins souvent parasité et, dans ce cas, il y aurait souvent une association parasitaire avec T. penetrans, Fioraventi et al. (op. cit.) notant que les habitants savent différencier les “niguas de cerro” (chiques du porc), correspondant à T. penetrans, des “niguas de vaca” (chiques de vache) qui sont des T. trimamillata!
La situation est différente pour les Tunga parasites de Xénarthres. Les néosomes sont situés électivement au niveau de la paroi ventrale de l’hôte chez travassosi et terasma (Hopkins & Rothschild, op. cit. ; Linardi & Guimarães, op. cit.). Il en est sans doute de même chez bondari ? Leur impact sanitaire nous est inconnu.
La localisation des néosomes chez les Tunga liées aux rongeurs est variable d’une espèce à l’autre, avec généralement un seul dermecos par espèce. Pour caecata, caecigena et monositus, les néosomes se focalisent aux pavillons de l’oreille. On peut penser que Jordan & Rothschild, décrivant caecigena, se sont divertis en songeant que si caecata était une puce aveugle, caecigena rendait son hôte... mal voyant ! Il n’en est rien semble-t-il, même si le lobe de l’oreille retombe et masque l’oeil. Chez callida, le dermecos est, comme chez travassosi et terasma, la peau du ventre, mais ici les organes génitaux sont également concernés ; bossi semble voisin de callida par ces localisations. Pour bonneti, enfin, la base de la queue est le site électif, mais c’est sur la face dorsale et non ventrale que l’on peut voir les néosomes et le segment anal de la puce y est bien visible. Chez cette espèce, quelques localisations furent également notées au niveau des oreilles (Beaucournu et al., 2012). Pour bonneti, à l’exception d’un hôte qui montrait en aval du néosome une striction de la queue par défaut d’irrigation sur un ou deux centimètres, aucun rongeur parasité ne semblait en souffrir, mais pour cette puce, le nombre de parasites par hôte est faible, un ou deux généralement. Chez caecata, caecigena et peut-être callida et monositus, le nombre de néosomes peut dépasser la vingtaine par hôte (cf. supra) : leur impact est cependant incertain.
Remerciements
La collecte de Tunga bonneti au Chili a été réalisée par une action du projet FONDECYT 1100695 et fut possible grâce à une autorisation du Servicio Agrícola y Ganadero et de la Corporación Nacional Forestal qui nous permirent l’utilisation de leurs installations dans les divers Parques y Reservas Nacionales.
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Liste des figures
Fig. 1. – Carte de la répartition des 12 espèces décrites dans le genre Tunga Jarocki, 1838. Chaque chiffre correspond à la localité type d’une espèce. Les espèces sont classées de 2 à 12 en fonction de leur ordre chronologique de description. Le numéro 1, qui revient à T. penetrans, ne peut être valablement précisé. La zone en grisé correspond à l’aire que nous supposons primitive, mais le Brésil est le pays désigné par Linné. |
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