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Ann. Parasitol. Hum. Comp.
Volume 46, Number 3 bis, 1971
Lutte biologique contre les Arthropodes hématophages. Pathologie des vecteurs
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Page(s) | 149 - 163 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/parasite/1971463s149 | |
Published online | 11 October 2017 |
Mémoire
Une méthode de lutte génétique contre Anopheles gambiae Giles, 1902
Ross lnstitute of Tropical Hygiene, London School of Hygiene and Tropical Medicine. London, Angleterre.
Avec Anopheles funestus (qui doit lui-même être un complexe d’espèces), les membres des espèces du complexe d’A. gambiae constituent les principaux vecteurs du paludisme en Afrique tropicale. On s’accorde généralement à l’heure actuelle sur le fait que les méthodes connues et essayées d’éradication du paludisme ne pourront pas s’appliquer dans un proche futur à cette vaste partie du monde où le type principal de paludisme est le paludisme stable et où les ressources financières, le personnel entraîné et l’infrastructure sanitaire de base dans les campagnes sont insuffisants. En outre, la résistance à la dieldrin et à l’H.C.H. est déjà très répandue dans deux des espèces du complexe d'A. gambiae et on commence aussi à y voir survenir une résistance au D.D.T. Si l’on souhaite donc accomplir quelques progrès substantiels pour éradiquer le paludisme de l’Afrique, il ne fait pas de doute que de nouvelles techniques de lutte contre les vecteurs sont nécessaires. L’une d’entre elles peut être représentée par le lâcher de mâles stériles.
Nous savons à présent que le complexe d’A. gambiae est constitué de cinq espèces jumelles. Deux d’entre elles sont des formes d’eau saumâtre : A. melas en Afrique occidentale et A. merus en Afrique orientale. Les trois autres sont des formes d’eau douce qui n’ont pas encore reçu de noms définitifs et que l’on nomme espèces A, B et C. L’espèce C n’est connue jusquà présent que du sud-est de l’Afrique, de Zanzibar et de l’Ethiopie et, autant qu’on le sache, ce n’est pas un vecteur du paludisme. Les espèces A et B sont courantes dans toute l’Afrique tropicale et constituent, dans le complexe, les principaux vecteurs du paludisme. Si l’on croise entre elles n’importe lesquelles de ces cinq espèces, on obtient une génération F1 viable dans laquelle les mâles se montrent stériles (à des degrés différents suivant les espèces parentales en cause dans le croisement) tandis que les femelles ont une fertilité presque normale. Certains de ces croisements, en particulier ceux mettant en cause les mâles des espèces A et B et les femelles d'A. melas et d'A. merus, produisent une génération F1 où le taux des sexes est très perturbé puisqu’elle est presque exclusivement composée de mâles stériles.
Ces hybrides mâles stériles ont été utilisés dans de nombreuses expériences de laboratoire. Les premières consistaient à ajouter des adultes mâles stériles en proportions variées dans de petites cages contenant des mâles et des femelles normaux. D’autres s’adressaient à des larves du premier stade provenant de croisements connus pour produire principalement des mâles stériles et un très petit nombre de femelles ou même pas du tout, que l’on ajoutait en proportions variées dans des récipients contenant des larves du premier stade d’une seule espèce. Les larves étaient élevées ensemble jusqu’au stade adulte et les adultes étaient conservés ensemble dans des cages. On les maintenait ainsi pendant quelques jours, dans les deux catégories d’expériences, les femelles étaient nourries de sang et isolées par la suite chacune dans un tube contenant de l’eau. On conservait les pontes pour voir si elles allaient éclore.
Les résultats montraient de façon concluante que les mâles hybrides stériles étaient très compétitifs avec les mâles normaux et que même lorsqu’ils étaient en proportions peu élevées (même en des proportions moindres que la moitié), ils réduisaient de façon significative le nombre des pontes viables obtenues par des femelles avec lesquelles ils avaient été élevés.
Mais il restait à savoir si de tels mâles stériles introduits dans des populations naturelles seraient également compétitifs et à étudier cette possibilité par une petite expérience de terrain qui fut effectuée en Haute-Volta à la fin de 1968. Là, deux colonies de laboratoire établies depuis longtemps, l’une de l’espèce B et l’autre de l’espèce A. melas, furent croisées en masse en choisissant les mâles de la. première espèce et les femelles de la dernière. Ce croisement produisit une génération F1 presque entièrement composée de mâles stériles. On ne poussait en fait l’élevage de la génération F1 que jusqu’au stade nymphal et les nymphes étaient déposées dans des collections d’eau naturelles et artificielles, dans de petits villages isolés et autour de ceux-ci près de Bobo-Dioulasso, qui contenaient une population pure de l’espèce A. On commença les lâchers au début de la saison sèche dans une population en voie de déclin. Quelque 300.000 nymphes furent lâchées pendant une période de deux mois, mais il est douteux que les nombres aient été adéquats au cours du premier mois. Durant la majeure partie de cette période de deux mois, 75 % des mâles capturés dans les cases et dans les lieux de repos extérieurs furent identifiés par dissection comme étant des hybrides mâles stériles relâchés. La majorité des femelles capturées dans les cases du village après les lâchers de nymphes continuèrent cependant à déposer des œufs fertiles, la proportion d’œufs demeurant stériles n’étant que très légèrement supérieure à celle du village témoin.
Un certain nombre de facteurs doivent avoir contribué à ce manque significatif d’accouplements entre les mâles stériles introduits et les femelles naturelles. Il peut s’agir d’une modification hostile du climat au moment du maximum des lâchers de nymphes, des conditions relativement artificielles dans lesquelles les mâles stériles furent élevés jusqu’au stade nymphal et peut-être aussi d’une période trop courte des lâchers. On pense cependant généralement que le comportement d’accouplement des mâles stériles, bien que ceux-ci soient très compétitifs dans les conditions confinées d’une petite cage de laboratoire où n’existent que des populations spécifiques conditionnées à la vie dans de telles cages, n’est pas le même dans les conditions naturelles en raison du comportement naturel d’accouplement des populations sauvages. De plus, l’utilisation d’un croisement entre deux espèces pour lutter contre une troisième peut être responsable de l'apparition d’une nouvelle barrière empêchant l’accouplement entre deux mâles stériles et femelles naturelles.
Abstract
Along with Anopheles funestus (which may itself be a complex of species), member species of the A. gambiae complex constitute the main vectors of malaria in tropical Africa. It is generally acknowledged at the present time that the known and tried methods of malaria eradication could not be applied in the foreseeable future to such a vast area of the world where malaria of the most stable type is prevalent and where financial resources, trained personnel and basic rural health services are inadequate. In addition resistance to dieldrin and H.C.H. is already widespread in two species of the A. gambiae complex and D.D.T. resistance is starting to appear in them. Thus if any active progress is to be made at all in the eradication of malaria from Africa, new techniques of vector control will undoubtedly be needed. Such a technique may be the release of sterile males.
As we know it to-day, the A. gambiae complex consists of 5 sibling species. Two of these are salt-water forms, A. melas in West Africa and A. merus in East Africa. The other 3 are fresh-water forms not yet definitively named and called species A, B and C. Species C has so far only been recorded from South-east Africa, Zanzibar and Ethiopia and, as far as is known, is not a malaria vector. Species A and B are widespread over the whole area of tropical Africa and form the principal malaria vectors in the complex. Crossing any two of these 5 species produces a viable F1 generation in which the male shows sterility (of varying degree depending on the parent species involved in the cross) and the female near-normal fertilîty. Certain of the crosses, in particular those involving species A and B males and A. melas and A. merus females, produce an F1 genération with a sex-ratio grossly distorted and almost entirely composed of sterile males.
Numerous laboratory experiments have been made with these sterile hybrid males. The early ones involved the addition of adult sterile males in varying proportions to small cages containing normal males and normal females. Later ones involved the addition in varying proportions of first stage larvae from those crosses known to produce mainly sterile males and very few, if any, females, to rearing bowls containing first stage larvae of a single species. The larvae were reared together to the adult stage and then these were kept together in cages. In both kinds of experiment the adults were left together for some days, the females fed on blood and subsequently tubed singly over water. Ovipositions were then kept to see if they hatched.
The results showed conclusively that the hybrid sterile males were highly competitive with the normal males and that when in quite low proportion (even less than equal proportions), significantly reduced the number of viable ovipositions subsequently obtained from females caged with them.
The question remained, however, whether such sterile males introduced into natural populations would be equally competitive and to study this a small field trial was carried out at the end of 1968 in Upper Volta. Here two long-established laboratory colonies, one of species B and one of A. melas, were set up and mass-crossings between the male of the former and the female of the latter carried out. This cross produced an F1 generation almost entirely composed of sterile males. The F1 generation was in fact only reared to the pupal stage and the pupae were released into water collections, both natural and artificial, in and around a small isolated village near Bobo-Dioulasso, which contained an apparently pure population of species A. Releases were started at the beginning of the dry season into a declining population. Altogether some 300,000 pupae were released over a period of 2 months, though it is doubtful whether in the first month the numbers were adequate. During most of this 2-month period, some 75 % of the males caught in houses and outside resting places were identified by dissection as the released sterile hybrid males. However, most of the females caught in houses in the village after pupal releases were made, continued to lay fertile eggs, the proportion laying sterile eggs being only slightly higher than in a control village.
A number of factors could have contributed to this lack of significant matings between introduced sterile males and natural females, such as an adverse climatic change at the time of peak pupal release, the relatively artificial conditions in which the sterile males were reared up to the pupal stage and possibly inadequate releases over too short a period of time. However, it is generally concluded that the mating behaviour of the sterile males though highly competitive in the small confines of a labo- ratory cage against single species populations conditioned to life in such cages, is not so under natural conditions allowing a natural mating behaviour of wild populations. Additionally the use of a cross between two species to control a third, may have been a further barrier to sterile male and natural female mating.
© Masson, Paris 1971, transferred to Société Française de Parasitologie
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