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Ann. Parasitol. Hum. Comp.
Volume 46, Number 3 bis, 1971
Lutte biologique contre les Arthropodes hématophages. Pathologie des vecteurs
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Page(s) | 117 - 148 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/parasite/1971463s117 | |
Published online | 11 October 2017 |
Mémoire
Une expérience de lutte génétique contre Culex pipiens fatigans Wied., 1828
Institut für Genetik, Johannes Gutenberg Universität - Mainz, Allemagne.
Le croisement entre les membres de populations allopatriques du complexe de Culex pipiens peut donner lieu à quatre résultats différents. La majorité des populations produit une descendance normale dans les croisements réciproques alors que certains autres donnent des descendants dans une direction et que les embryons n’éclosent pas dans la direction opposée. D’autres croisements sont inféconds dans les deux directions. Cette absence de descendance est due à une incompatibilité cytoplasmique qui est cytoplasmique- ment héréditaire. Elle demeure constante dans la lignée femelle pendant un nombre indéfini de générations. Le spermatozoïde est bloqué dans un croisement incompatible avant qu’il ne fusionne avec le noyau ovulaire haploïde et, si des embryons se développent, ils le font à partir d’un ovule haploïde et meurent avant l’éclosion.
On connaît vingt types différents de croisement dans le complexe de Culex pipiens et il est possible de préciser quelle est la souche du complexe, ou parfois les souches, qui sont incompatibles avec une certaine population de Culex pipiens d’un point donné du globe. Il est possible d’introduire des caractères géniques désirables dans une souche incompatible sans changer l’incompatibilité cytoplasmique et l’on peut adapter ainsi des souches de régions tempérées à des environnements tropicaux.
Il serait souhaitable d’effectuer des lâchers de mâles incompatibles dans une population naturelle dans le cadre de la lutte contre Culex pipiens. Des expériences effectuées dans des cages montrent que les femelles sont incapables de faire la discrimination entre les mâles normaux et les mâles incompatibles ; la compétitivité des mâles dépend en grande partie des conditions de l’alimentation au cours du développement larvaire. Des populations d’élevage, présentant un taux initial d’un mâle incompatible pour un mâle normal, ont été éradiquées en trois ou quatre générations.
L’Organisation Mondiale de la Santé a cautionné une expérience pilote effectuée avec la collaboration de l’Unité de Recherches sur les Filarioses à Rangoon. On utilisa une souche de Culex pipiens fatigans ayant le cytoplasme d’une souche de Paris et le génome d’une souche de Fresno (Californie) considérée comme étant mieux adaptée aux conditions écologiques de la Birmanie que la souche pure de Paris. D’août à octobre 1966, on testa l’incompatibilité des mâles avec des femelles provenant de vingt-cinq populations naturelles de Rangoon et de ses environs. Ces femelles déposèrent au total 1.472 pontes où l’on décomptait 130.455 œufs. 180 larves seulement arrivèrent à l’éclosion (0,14 %).
Le travail sur le terrain fut effectué à Okpo, village situé à 25 km environ au nord de Rangoon, entouré de rizières sèches pendant l’hiver. On estima que la densité de la population de moustiques variait d’un minimum de 2.000 mâles et 2.000 femelles jusqu’à 10.000 mâles et 10.000 femelles suivant les jours, cette variation dépendant surtout des fluctuations du nombre et de l’étendue des gîtes larvaires.
Des mâles incompatibles furent lâchés entre février et mai 1967. On lâcha tous les jours 5.000 mâles incompatibles du 16 mars au 6 mai. En raison du nombre initial bas de lâchers, le pourcentage de pontes non écloses provenant de croisements incompatibles demeurait bas (semaines 1-4 ; 4,4-11,6 %). Peu après le lâcher d’un nombre optimal de 5.000 mâles incompatibles par jour (flèche dans la fig. 1), le pourcentage de pontes inviables augmenta jusqu’à une moyenne de 19,4 % (cinquième semaine, 21 au 27 mars) en dépit d’un accroissement presque décuplé de la taille de la population au cours des quatre premières semaines (70 pontes par jour pendant la première semaine, 625 pontes par jour durant ta quatrième semaine). On constata au cours des sept jours suivants (28 mars au 3 avril) un léger accroissement jusqu’à 24,8 % ; durant la semaine suivante (4 au 10 avril), on atteignait 30,7 %. Le pourcentage des pontes inviables s’accrut alors plus rapidement. Il atteignait 39,0 % du 11 au 17 avril (huitième semaine) et 70,4 % du 25 avril au ler mai (dixième semaine). Une nouvelle poussée de production élevée dans les gîtes larvaires, débutant à la dixième semaine, fut de toute évidence rendue inefficace par le haut pourcentage de pontes sans éclosion. Du 2 a.u 8 mai (onzième semaine), le pourcentage atteignit 85,5 % et l’on obtenait enfin 100 % de pontes inviables les 9 et 10 mai. La production de nouvelles larves était donc arrêtée et aucun adulte ne devait éclore après dix jours environ. La mousson débuta malheureusement le 11 mai et l’expérience dut être interrompue.
Les résultats de cette expérience montrent que le facteur d’incompatibilité est capable d’agir dans la nature et qu’après le lâcher d’un nombre adéquat de mâles incompatibles, on peut éradiquer une papulation de C. fatigans en trois mois environ ou en cinq ou six générations.
Abstract
Crossing between members of allopatric populations of the Culex pipiens complex can produce four different results. Most populations will produce normal offspring in reciprocal crosses, while some give offspring in one direction and embryos which will not hatch in the opposite direction. Other crosses are infertile in both directions. This lack of offspring is due to cytoplasmic incompatibility, which is inherited cytoplasmically. It remains constant for indefinite numbers of generations in the female line. In an incompatible cross the sperm is blocked before it can fuse with the haploid egg nuoleus, and if the embryos develop they do so from the haploid egg nucleus and die before hatching.
Twenty different crossing types are known in the Culex pipiens complex, and it is possible to specify at least one, sometimes several, strains of the complex which are incompatible with a certain population of Culex pipiens anywhere in the world. Desirable genic traits can be introduced into an incompatible strain without changing the cytoplasmic incompatibility, and so strains from temperate regions can be adapted to tropical environments.
Release of incompatible males into a natural population should be suitable for the control of Culex pipiens. Cage experiments show that females cannot discriminate between normal and incompatible males, and the competitiveness of males depends largely on nutritional conditions during larval development. Cage populations with an initial ratio of incompatible and normal males of 1 : 1 have been eradicated after three or four generations.
The World Health Organization sponsored a pilot experiment at the Filariasis Research Unit at Rangoon. A strain of Culex pipiens fatigans with the cytoplasm from a strain from Paris and the genome from a strain from Fresno, California, considered to be better adapted to ecological conditions in Burma than the pure Paris strain, was used. During August to October 1966, males were tested for incompatibility with females from twenty-five natural populations in Rangoon and its surroundings. These females laid a total of 1,472 rafts with 130,445 eggs. Only 180 larvae hatched (0.14 per cent).
The field work was carried out at Okpo, a village about 10 miles north of Rangoon, surrounded by completely dry rice fields during winter. The size of the mosquito population was estimated to vary from a minimum of 2,000 males and 2,000 females to as many as 10,000 males and 10,000 females on a given day, depending mostly on fluctuations in the number and extent of breeding places.
Incompatible males were released between February and May 1967. From March 16 until May 6, 5,000 incompatible males were released daily. Because of the initially small number released the percentage of non hatching rafts from incompatible crosses remained low (week 1-4, 4.3-11.6 per cent). Soon after the release of the optimum number of 5,000 incompatible males/ day (arrow in Fig. 1) the percentage of inviable rafts increased to an average of 19.4 per cent (fifth week, March 21-27) in spite of an almost ten-fold increase in the size of the population during the first 4 weeks (seventy rafts/day during the first week, 625 rafts/day during the fourth week). During the next seven days (March 28 to April 3) a slight increase to 24.8 per cent occurred ; during the following week (April 4-10) 30.7 per cent was observed. From then on the percentage of inviable rafts increased more rapidly. It reached 39.0 per cent during April 11-17 (week 8) and 70.4 per cent during April 25 to May 1 (week 10). A new wave of higher production in the breeding places, beginning in week 10, was obviously cut off by the high percentage of non-hatching rafts. During May 2-8 (week 11) the percentage increased to an average of 85.5 per cent and finally, on May 9 and 10, 100 per cent inviable rafts were obtained. The production of new larvae was therefore stopped and no more adults were expected to emerge after about 10 days. Unfortunately, the monsoons started on May 11 and the experiment had to stop.
The results of this experiment show that the incompatibility principle can operate in nature and that, after the release of an adequate number of incompatible males, a C.p. fatigans population was eradicated in about 3 months or five or six generations.
© Masson, Paris 1971, transferred to Société Française de Parasitologie
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